La Der de Der

Depuis leur plus tendre enfance, les français sont martelés de propagande revancharde, rabâchée par la presse et les manuels scolaires.

Les loups ont hurlé, les vautours ont faim !
Oh ! Comme la terre est rouge où nous sommes !
Le vent siffle et crie au fond du ravin :
En selle, mes fils ! En guerre, mes hommes !
Les loups ont hurlé, les vautours ont faim !
Qu’importent les morts ! La Liberté vit !
Un peuple est sauvé, la Patrie est grande,
Ne mesurons pas la perte à l’offrande,
C’est un ciel de gloire où Dieu les ravit.
Qu’importent les morts ! La Liberté vit !
Paul Déroulède – 1877

L’étranger nous jalouse, car le plus souvent,
Il n’est pas Français. L’infâme a conçu le projet,
De ruiner la puissance de notre belle France !
Mais tout homme a dans le coeur un clairon vainqueur,
Qui crie au moment du danger, « Mort aux étrangers »
Amis formons nos rangs, armons nos bras vengeurs,
Visons le Visigoth, tenons tête au Teuton,
Pressons le vil Prussien jusque z’en Bavière,
A grands coups de pieds dans le derrière.
Alphonse Allais – 1899
Chant de réveil national

En principe pour jeter dehors les Huns et les autres, on prie Sainte Geneviève.
Jeanne d’Arc c’est pour bouter les anglois à la mer. Mais cette fois, on est content de les avoir avec nous.
Je ne sais pas si vous suivez bien.

Frère, tandis que tu cours sous la mitraille, à qui pense-tu ? A Jeanne d’Arc ? A Déroulède ?

Mon courage indomptable fait l’admiration de tous.
Au cœur de la bataille, je défends héroïquement nos positions.


Hélas je suis grièvement blessé
(à un endroit où ça ne fait pas trop mal).

Héroïque ? Non, il faut juste attendre la fin de l’averse, passer entre les gouttes d’acier brûlant qui fauchent les arbres et les hommes.

Hé ! Mais ça va pas ? On a dit que blessé !

Es-tu rentré ce matin-là, épuisé, transi, avec si peu de tes camarades.

L’infirmière est sublimement belle, et elle est tombée éperdument amoureuse de moi.

Es-tu resté allongé dans la boue glaciale, les tympans crevés, cherchant à retenir ce qui irrémédiablement t’échappe ?

Comment lui avouer que je suis déjà fiancé à Gretel ?

Mais où sont les héros de réserve ? Les beaux parleurs, les biens pensants, les bons apôtres, les journalistes, les ministres, les profiteurs, les escrocs, les stratèges de comptoir et les patriotes en robes de chambre molletonnées ?
L’armée des vas t’en guerre…
Rassure-toi, ils se portent à merveille, et la mort ne leur fait pas peur.
La tienne, je veux dire. Ils reviendront pour inaugurer ton monument.

Avec un chouette discours.



Quand les petites bavaroises blondes se penchent sur mon épaule pour me susurrer « Issh liebe dissh, Patrisss » avec leur accent si doux, je rends les armes.
Haute trahison, je sais. La cour martiale m’attend, et le peloton d’exécution.

Mais pardonnez-moi, je ne serai pas des vôtres. J’ai un bateau à prendre.
Sur cette nef, parmi les chants, les rires et les baisers,
Nous traverserons l‘océan de la souffrance, de la peur et du deuil,
L’amère illusion de l’existence humaine.
Krishna
